Freaks Tod Browning

Film exceptionnel, hors normes, Freaks (La Monstrueuse parade, 1932) compte parmi les plus grandes réalisations du cinéma mondial. Pour Patrick Brion, « aucun film n’a, avec autant de force que Freaks, décrit cette peur de l’anormalité qui touche aussi bien certains des protagonistes que les spectateurs eux-mêmes confrontés à une réalité dont personne ne peut nier l’existence. » L’histoire d’amour tragique du nain Hans pour la belle trapéziste Cleopatra est interprétée par des créatures vraiment victimes de déformations physiques (Johnny Eck, l’homme-tronc, Josephine Joseph, mi-homme mi-femme…).
Or, beaucoup ignorent que ce film est l’adaptation d’une nouvelle de Clarence Aaron Robbins, publiée en 1923 sous le titre Les Éperons (Spurs), dont les éditions Rouge Profond proposent la première traduction en France. Boris Henry rappelle que l’écrivain a déjà inspiré à Browning Le Club des trois (1925) et procède à une comparaison passionnante entre le texte et le film, revenant sur les étapes d’écriture du long métrage dont le sujet a très vite entraîné des controverses au sein même de la M.G.M. Authentique miracle de production (grâce à Irving Thalberg), Freaks représente l'une des pièces maîtresses de la filmographie de Browning (qui venait d’adapter avec succès Dracula pour la Universal), enfant de la balle et homme de cirque avant de passer derrière les caméras.




« [...] Le film se déroule au milieu d'une atmosphère de Cour des Miracles où passent des avaleurs de sabres, des mangeurs d'étoupe, des femmes à barbe, des dames aux pieds préhensiles, des hommes squelettes des gentlemen à tête d'oiseau et des torses vivants.
Cet humour déjà cruel devient fatalement tragique lorsque les monstres décident de se venger de Cléopâtre et d'Hercule, et quand, I'orage s'en mêlant, les éclairs laissent voir par éclipses un Pygrnée qui joue de l'ocarina, tandis que Johnny Eck, dont le buste vivant semble jaillir d'une chaise, caresse avec négligence son parabellum.
La révolte des monstres prend alors la force des anciens mélodrames oubliés. Entre les roulottes du crime, c'est une panique de fin du monde. Il n'y a plus de place que pour cette grandeur dans l'effroi qu'atteint Hop Frog, d'Edgar Poe. »
Paul Gilson

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